La mort de Dieu et l'effondrement du monde : une lucidité nietzschéenne revisitée

La mort de Dieu et l'effondrement du monde : une lucidité nietzschéenne revisitée

🧭 Introduction pour le lecteur

Dans cette méditation dense et incisive, le Professeur Paul Zahiri nous convie à une réflexion vertigineuse sur les prophéties de Nietzsche et leur actualisation tragique dans le monde contemporain. Loin d’un simple exercice philosophique, ce texte interroge notre époque postmoderne à travers le prisme de la mort de Dieu, concept nietzschéen devenu, à la lumière des événements historiques et écologiques du XXe et XXIe siècle, une réalité tangible et inquiétante.

Le professeur ne se contente pas de convoquer Nietzsche comme une référence. Il lui donne raison, en soulignant à quel point la modernité technicienne, les barbaries industrielles, les catastrophes écologiques et l’anesthésie morale de l’humanité forment un tout cohérent, funeste, mais logique. À travers ce tableau sans concession, c’est la responsabilité collective – et notre impuissance à y faire face – qui est interrogée.

Un texte coup de poing, à lire non pas pour se rassurer, mais pour comprendre où nous avons collectivement échoué — et pourquoi il se pourrait bien qu’il soit déjà trop tard.

📝 Texte du Professeur Paul Zahiri

Peut-être que le temps est venu de donner définitivement raison à Nietzsche, le dernier penseur de la métaphysique occidentale. Qui aura cherché passionnément Dieu et qui aura annoncé, en même temps, la mort de Dieu.

Quand ce philosophe, du dangereux, annonçait la terrible nouvelle de la mort de Dieu, dans l’aphorisme 125 de son opus Le gai savoir, c’est curieusement par la bouche d’un insensé. Qui cherchait Dieu, avec une torche, allumée en plein jour, et sur la place du marché où il était moqué.

Ton Dieu se serait-il égaré, et se serait-il perdu comme un enfant ?, lui demandait-on. La réponse de l’insensé ? Non. Dieu est mort, et c’est nous, vous et moi, qui l’avons tué.

Dans la foulée, Nietzsche, qui va mourir en 1900 justement, va faire dans la préscience. Il prédira que le 20e siècle sera un siècle de barbaries, et que la science et la technique seront à son service.

On a vu ce que cela a donné, dans la rencontre de l’homme moderne, et de la technique, planétairement déterminées. Deux guerres mondiales, horriblement meurtrières, avec la fabrication, et l’utilisation, de deux bombes atomiques, et des résultats apocalyptiques.

La Shoah, et la mort industrielle à grande échelle, dans des chambres à gaz, et des fours crématoires, et quelques génocides par-ci et par-là.

Le 21e siècle, en cours, n’est pas en reste et il ne se présente déjà pas du tout sous de meilleurs auspices. Aux guerres, toujours meurtrières, qui sont devenues structurelles, par-dessus tout le globe, s’additionnent d’autres calamités en tout genre.

Des pollutions chimiques, et radioactives, et des déforestations massives, qui aident une désertification des terres, qui s’accélère. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la disparition d’espèces vivantes, à un rythme sans précédent.

Sans oublier la pollution de l’eau, et de l’air, qui empoisonne nos aliments. Il en découle des famines endémiques, et des épidémies nouvelles, extrêmement dangereuses et redoutables.

Mais il serait incongru d’aller croire que tout cela ne constitue que des bavures, qu’on va pouvoir corriger et prévenir. Elles résultent du système-monde, et elles lui sont consubstantielle.

Dans son mode de production, et de consommation, lié aux exigences du marché, et de la marchandisation du monde, parvenue à son stade actuel.

Les scandales financiers, et autres détournements de fonds, ou les évasions fiscales, ne sont que des ornements.

La conscience collective, de notre postmoderne humanité, entièrement forgée à l’aune de tous ces dysfonctionnements, est devenue totalement incapable de s’y opposer avec l’énergie requise.

Il ne serait pas du tout extravagant de se résigner, et d’attendre que la dévastation s’achève, et que l’effondrement général de ce monde lui succède.

📚 Glossaire approfondi

Nietzsche, Friedrich : Philosophe allemand du XIXe siècle, connu pour sa critique de la religion, de la morale traditionnelle, et de la modernité. Il est l’auteur du célèbre aphorisme « Dieu est mort ».

La mort de Dieu : Formule nietzschéenne symbolisant la fin du rôle central de la religion dans les sociétés occidentales modernes, remplacée par la science, le nihilisme ou les idéologies politiques.

Aphorisme 125 – Le Gai Savoir : Passage emblématique où un « insensé » annonce la mort de Dieu sur une place publique, soulignant la perte de repères spirituels de l’humanité.

Shoah : Terme hébreu désignant l’extermination de six millions de Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Barbaries du XXe siècle : Référence aux deux guerres mondiales, aux génocides, à la destruction massive causée par les progrès techniques mis au service de la guerre.

Pollutions radioactives, déforestations, désertification : Symptômes de la crise environnementale mondiale, conséquence directe d’un modèle économique extractif et non durable.

Système-monde : Concept issu de l’analyse marxiste ou wébérienne du capitalisme globalisé. Il désigne l’ensemble des structures économiques, politiques et culturelles interconnectées à l’échelle planétaire.

Marchandisation du monde : Transformation progressive de toute réalité humaine ou naturelle en produit économique, source de profit.

Postmodernité : Période historique et culturelle succédant à la modernité, marquée par la perte des grandes idéologies, la fragmentation des valeurs et le triomphe du relativisme.

Conscience collective : Notion sociologique désignant les représentations, croyances et sentiments partagés par une société.

Effondrement : Terme emprunté aux penseurs de la collapsologie, désignant la possibilité d’un effondrement global de la civilisation industrielle.

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